Le temps d'un autre regard
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3- Quelques exemples

Réflexions > Handicap et scolarisation
16/10/2017


        
Afin d’illustrer les problèmes que peut occasionner l’accueil des enfants handicapés dans l’école ordinaire, je vais exposer quelques situations auxquelles j’ai été confronté entre 2006 et 2015, que ce soit en tant qu’instituteur dans sa classe qu’en qualité de directeur d’école primaire de 9 classes.

* : les prénoms ont été modifiés.

    La rampe d’accès

         « C’est à l’école de s’assurer que l’environnement est adapté à sa scolarité. » (loi du 11 février 2005)

         Lola*, une petite fille trisomique scolarisée en grande section, est nouvellement arrivée dans l’école. Elle a des difficultés de mobilité.
Pour accéder à la salle de classe, il faut emprunter un escalier de 4 marches.

         Les parents de l’enfant, s’appuyant sur la loi du 11 février, obtiennent de la commune la construction d’une rampe d’accès en béton avec pose d’un garde-corps. Cette rampe est terminée pendant les vacances de la Toussaint. En attendant, c’est l’enseignante qui a aidé Lola à monter ou descendre l’escalier.

         Au cours du mois de juin suivant, la famille déménage !!! (mais pas la rampe).



    La pédopsychiatre

         Nouvelle inscription en petite section de maternelle. Kévin* est un enfant suivi en psychiatrie infantile.
Sa scolarisation doit, selon le corps médical, aider au développement de l’enfant.

         Kévin ne s’exprime que par grognements incompréhensibles, il ne connait pas les règles de la vie en collectivité, il est toujours en mouvement, ses gestes sont maladroits, …, un tableau idyllique pour l’enseignante.
         Kévin sera scolarisé à mi-temps et sera accompagné par une AVS.

         Lors d’une équipe éducative (réunion pluridisciplinaire à laquelle participent la pédopsychiatre et l’infirmière psychiatrique qui suivent Kévin, la maman de l’enfant, l’enseignante, l’AVS et moi-même, directeur de l’école), la partie « Education nationale »  souhaite mieux connaître le handicap de l’enfant. La maman estime la demande légitime et est prête donner quelques renseignements mais la pédopsychiatre y met son veto ; cela ne nous regarde pas !!
Nous souhaitons avoir des pistes de travail pour ne plus être démunis face à l’enfant. Nous n’aurons pas la moindre aide de la part du médecin que la partie enseignement n’intéresse pas (elle l’a dit !).
L’enseignante et l’AVS doivent donc se débrouiller seules et finissent l’année scolaire épuisées et proches de la dépression.

         Imprévisible et échappant à la surveillance resserrée de l’AVS ou de l’enseignante, Kévin réussit à détruire plusieurs jeux et outils de classe. Nombreuses sont les séances de travail réduites à néant par son attitude. Mais çà, ce n’est pas l’affaire de la pédopsychiatre !!!

         A la rentrée scolaire suivante, Kévin ne se présentera pas à l’école ; nous n'avons jamais été informés du changement de projet concernant l'enfant.



    Marvin*

         Marvin est un enfant qui présente des troubles divers importants, en particulier du comportement et de l’apprentissage.

         Après avoir été scolarisé dans mon école, il a été orienté vers la CLIS d’un village voisin (classe pour l’inclusion scolaire permettant l'accueil dans une école primaire ordinaire d'un petit groupe d'enfants (12 au maximum) présentant le même type de handicap). Les transports se font en taxi, les frais étant à la charge du département qui gère le handicap.
         
         Mais voilà, Marvin n’arrive pas à s’intégrer au groupe et est en conflit permanent avec ses camarades de CLIS. L’enseignante n’arrive plus à gérer Marvin. Il faut trouver une solution.
La maman de Marvin exige et obtient que l’enfant soit de nouveau scolarisé dans mon école et, plus particulièrement, dans ma classe.

         Je connais Marvin, il a 2 ans de plus que mes élèves, il fait une bonne tête de plus que le plus grand d’entre eux. Je sais qu’il ne faut lui laisser aucun espace : je vais devoir le surveiller en permanence.
         J’ai un atout de taille : il me respecte.

         Malgré cela, Marvin m’en fait voir de toutes les couleurs, transformant la récréation en champ de bataille : la partie de foot traditionnelle devient match de rugby, le jeu de chat se change en Strike de bowling (les quilles étant les autres élèves, cela va de soi). Se sachant particulièrement surveillé, Marvin use de toutes les ficelles pour se fondre dans la foule des élèves : il retourne son blouson ou emprunte celui d’un autre enfant, se cache dans un recoin pour réapparaître à l’autre bout de la cour, …
Marvin va jusqu’à introduire dans l’école une topette d’apéritif anisé qu’il fait goûter aux plus petits pendant l’interclasse du midi (en dehors de mon temps de surveillance).

         Il ne faut pas croire que le temps de classe est plus reposant.
Marvin exige de la présence, de l’attention. N’ayant pas le niveau, je dois lui préparer du travail particulier qu’il fait sérieusement (ou non) et que je dois corriger avec lui immédiatement sinon il  organise un de ces bazars dont il a le secret.
Combien de moments précieux m’a-t-il fait perdre alors que j’aurais pu aider un autre élève qui en avait besoin ?

         Marvin reste un trimestre et demi dans ma classe.
Un trimestre et demi pendant lequel j’essaie de ne pas le perdre de vue pendant les récréations sous peine de catastrophe, un trimestre et demi pendant lequel il m’interdit pratiquement de consacrer du temps individuel aux autres enfants, un trimestre et demi pendant lequel je m'use à faire la police au lieu de faire mon travail efficacement.

         A la fin de l'année scolaire, Marvin est orienté vers un IME.

 

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