J'ai lu, il y a quelques semaines, un article consacré aux Gilets jaunes et aux raisons de leur colère.
Le journaliste développait en particulier l'idée que les retraités sont des nantis qui ont profité et ont laissé leurs dettes à la génération suivante.
Ce article, paru sur Internet, a généré un bon nombre de réactions de lecteurs.
Parmi ces réactions, j'ai apprécié celle-ci que je reproduis intégralement.
Le texte est un peu long mais peut ouvrir de nouvelles perspectives et réflexions quant aux rapports intergénérationnels et à la solidarité nécessaire pour vivre en harmonie.
"Jeunes gens, quand j'étais très jeune, j'avais parfaitement conscience d'appartenir à un milieu pauvre et inculte.
À l'école, les autres élèves étaient comme moi et nous avions compris qu'il faudrait nous serrer les coudes et exiger que les choses changent de ce qu'elles étaient pour nos parents et grands parents.
Certains de mes camarades ont fait des études, d'autres non, mais lorsqu'il a fallu agir, nous nous sommes regroupés, étudiants, ouvriers, intellectuels et même bourgeois, et ce qui nous avait été refusé comme étant impossible (une simple petite augmentation de 5% des salaires), les événements de 68 ont fait que cela a débouché sur le véritable Grenelle, pas l'écologique bidon, non la vraie concertation patronat salariés et, devant l'ampleur du mouvement, les organisations patronales ont lâché une augmentation jusqu'à 35% du SMIG.
Tout d'un coup cela devenait possible.
Mais pour comprendre que les intérêts des possédants et ceux des salariés sont antagonistes et n'évoluent que par la lutte incessante que ces deux classes se mènent, il faut remonter aux fameuses trente glorieuses, l'objet de tous les fantasmes sur une époque déclarée après coup comme révolue.
C'est bien parce qu'au sortir de la guerre, l'effort de dépenses était immense que le patronat entendait que les salaires restent bloqués voire diminués car ils disaient, déjà, qu'il était impossible de distribuer ce qui n'existait pas, que le gâteau, les parts, etc. vous connaissez.
Eh bien, la solidarité inter-générationnelle, l'union, la lutte syndicale, etc. ont fait que la sécurité sociale, les caisses de retraites par répartition et des salaires décents ont pu être mis en place.
Cela a permis de la consommation, de l'industrialisation, de l'instruction, du niveau de vie, de l'emploi, de l'investissement, bref, la fameuse embellie des trente glorieuses appelées ainsi parce que cela dura presque 30 ans, le temps que le patronat et les politiques reprennent petit à petit tout ce qu'ils avaient accordés, et que bien sûr la machine s'enraye avec des riches encore plus riches, des pauvres encore plus pauvres et des déclassés inquiets.
Mai 68 et cela repartit.
Les années 90 et 2000 ont vu le triomphe du capitalisme, de l’égoïsme, du chacun pour soi, et l'arrêt d'une certaine culture populaire pour laisser la place au vieux rêve de la réussite individuelle vendu par les tenants du capitalisme. Il ne manqua pas d'arriver ce qui devait arriver : il n'y avait toujours pas, et pour cause, c'est le principe, toujours pas de place pour tous, seuls très peu arrivaient à très bien sortir leur épingle du jeu, d'autres pas très nombreux aussi réussissaient moyennement, mais beaucoup y perdaient.
Bref, tous y perdirent car ils avaient oublié la solidarité et l'esprit combatif.
Les jeunes et un peu moins jeunes commençaient à l'avoir amère de s'être fait avoir, mais, inculture populaire oblige, ils s'en prirent déjà aux générations d'après guerre, puis à celle de 68 et dès aujourd'hui basculent dans l'affrontement jeunes et vieux.
Exactement ce qui assure le triomphe des possédants, ils n'ont plus en face d'eux un mouvement inter-générationnel solidaire combatif qui exige la juste rétribution du travail et le partage des efforts, non, les classes dirigeantes n'ont plus devant eux que des consommateurs exigeant leur dose de jeux, de séries, de coûteux ustensiles, et en même temps, en train de se disputer entre eux, s'accusant les uns les autres du sort qui est le leur : les possesseurs d'un travail dans le privé contre ceux qui détiennent un emploi public, les jeunes contre les vieux, les femmes contre les hommes, les citadins contre les provinciaux et les campagnards, les écolos bobos contre les sages écolos, les de souche contre les autres, etc.
Parfait, la machine à perdre pour l'ensemble des salariés et des retraités est enclenchée et pas près d'être enrayée tant que ceux qui sont jeunes dans ce pays ne comprendront pas que le collectif a toujours mieux marché que l'individualisme, que les choses ne sont jamais inéluctables, et qu'il ne faut jamais croire un gouvernement quand il dit que ce qui est demandé est impossible, l'Histoire démontre le contraire.
Peut-être est-ce aussi l'abêtissement certain des générations qui misent trop sur le pragmatisme et l'intérêt immédiat et individuel et laissent tomber pour la première fois les générations d'avant, pourtant celles de ses parents et grands parents.
Campagne d'intoxication bien menée par les classes dirigeantes sur l'air bien connu qu'il est impossible de faire plus et que c'est la faute des générations précédentes, la dette, etc.
La dette est due aux crises financières de 1979, de 1982, de 1992, de 1997, de 2007, etc.
Toutes ont été les conséquences de la financiarisation des entreprises auprès des banques qui ont spéculé et perdu au lieu d'investir dans les entreprises, dans l'humain, etc.
Les anciens n'y sont pour rien. Les milieux financiers oui."